Bloccupy Franckfurt : témoignage d’un indigné normand

Arrivé vendredi aux alentours de 13h et, ne m’étant pas procuré de plan de la ville, je me dirige « instinctivement » vers les buildings qui se dressent austèrement derrière le Main.
Je trouve tout de suite, à l’orée du quartier bancaire, un petit groupe de manifestants d’une petite centaine de personnes, accompagnées d’une batucada aux sonorités militantes. Je m’installe donc avec eux et commence à m’imprégner de l’ambiance, ainsi que de la langue complètement étrangère à mes oreilles. À peine le temps de me renseigner sur une traduction possible, voilà qu’accourent les forces de l’ordre pour nous encercler véritablement et séquestrer notre petit groupe du reste d’une foule curieuse et outrée.
Malgré la volonté délétère de la police (imagée par leur costume de guerre) de réprimer ce sit-in, une ambiance détendue règne et le dialogue s’installe aussi bien à l’intérieur du groupe qu’avec la foule à l’extérieure et même les policiers qui, soit dit en passant, ont l’air autrement plus loquaces et pédagogues que leurs homologues français…
Nous restons donc un moment à nos divagations criardes, sans nous préoccuper de notre entourage, formant une ronde face à nos gardiens, rejoints par une ronde extérieure de gens qui chantent avec nous…Ambiance bon enfant.
Là s’installe un dialogue un peu plus concentré avec les policiers. Des médiateurs improvisés relèguent les informations qui sont répétées à chaque fois par la foule pour que tout le monde comprenne (à part moi…) et nous sommes invités à quitter les lieux sous peine d’être arrêtés. Je n’ai pas eu le temps de chercher à comprendre ce qu’était la volonté général face à cet ultimatum et, étant venu seul et un peu isolé, je constitue une proie facile pour une « invitation » à dégager les lieux. Trois policiers me conduisent hors du sit-in, relèvent mon identité et me somment de quitter le quartier, tout comme pour un bon nombre de personnes.
Un plan de la ville m’est fourni, avec la délimitation du quartier qu’il est interdit d’approcher jusqu’à minuit ; j’apprends alors que la manifestation du lendemain est autorisée.
Après une bonne après midi de marche à la recherche d’autres groupes de manifestants, voire d’une brèche pour rentrer dans « la cité interdite », je me rends compte que la ville est en état de siège et que le quartier bancaire est effectivement verrouillé par un nombre incommensurable de policiers.

Samedi aux alentours de midi, le regroupement est prévu dans un square aux abords de la gare. Je tombe tout de suite sur des banderoles rédigées en français du collectif ATTAC. Petit à petit le square se remplit et je fais quelques tours pour repérer un peu ce qui se prépare. Malheureusement, je ne suis pas en état de lire tous les tracts que l’on me propose, mais je sens qu’une multitude de groupements répondent présents : des associations, des ONG, des syndicats, des partis politiques… Côté français, je repère la présence, en plus d’ATTAC et des collectifs contre la dette et l’austérité, la présence du NPA, du Front de gauche… mais aussi de simples citoyens comme moi, arborant un slogan « réelle démocratie maintenant ».
Le cortège met du temps à partir et les différents véhicules proposent des intervenants expliquant en différentes langues tenants et aboutissants de cette manifestation.
Je reste un peu sceptique quant au nombre de personnes dans le square, étant donné que quatre ou cinq véhicules ont été préparés pour l’occasion. Mais, lorsque nous gagnons les quais du Main, je me rends alors compte de l’ampleur du mouvement : des drapeaux sont visibles à perte de vue aussi bien devant moi que derrière moi.
Je fais un peu le tour pour m’imprégner du mouvement, et je me rends compte que des slogans anticapitalistes sont volontiers repris tout le long du cortège. Malgré un appel assez précis pour lutter contre les politiques d’austérité, nombreux sont les groupes communistes, socialistes (au sens originel du terme), anarchistes, révolutionnaires et autonomes qui scandent leur volonté de changer le système dans sa globalité*.
La manifestation est très festive, très colorée, très intense ; et malgré qu’elle soit sévèrement cadrée par les forces de l’ordre, elle reste très joviale.
Nous déambulons sur les quais avant de gagner le quartier bancaire, pour finir sur un grand parc où des concerts rythment notre arrivée. Je n’ai pu rester dans la soirée à cause des quelques kilomètres pour rentrer, mais a priori les festivités étaient lancées.

Note :

Mon seul regret, comme dans toute bonne manifestation qui se respecte, réside dans le nombre de participants. Même si sur place le nombre de personnes semblait imposant, j’apprends que les estimations tournent autour de 20 000 individus.
Pourquoi un regret ?
Bien que relayé dans tous les mouvements militants (Indignés, Occupy, RDM, syndicats et partis politiques), il est vrai que l’appel français était majoritairement lancé par les collectifs contre la dette. Or si je conçois que ce collectif, comme son nom l’indique, milite pour un changement de politique financière sans pour autant lancer un appel à un changement radical de société (ce qui peut engendrer des réserves chez certains de nos camarades, et qui ne me choque en rien), le message de manifester aux pieds de la Banque centrale européenne avec une présence internationale constituait toutefois à mes yeux un message fort lancé à l’oligarchie financière. De ce fait, je regrette que les différents mouvements n’aient pas été plus représentés, étant donné que la dénonciation de cette dictature semble être un point de convergence pour tous.
Certes, nous pouvons nous concentrer sur un idéal de vie et de société propre à chaque mouvement, mais je pense qu’il ne faut pas perdre de vue que d’une part les mouvements spontanés sont des mouvements de contestation et que leur jeunesse ne leur permet actuellement pas de faire des propositions concrètes de changement, et que d’autre part les institutions plus anciennes ont aujourd’hui les mêmes revendications mot pour mot. Bref, à mon sens, une lutte sur le fond devrait naturellement se mettre en place avant d’émettre des divergences sur la forme, fédérant ainsi une plus large majorité, même celle qui n’est pas encore militante mais qui subit isolée les ravages causés par le système actuel.
Étant donné que, au risque de me répéter, les slogans anticapitalistes et révolutionnaires étaient bien plus soutenus que les invitations à favoriser une politique de croissance ; que les problèmes environnementaux, ainsi que l’égalité entre les peuples, etc… tenaient également une place importante dans les revendications, couvrant naturellement toutes les conséquences sinistres du système, conformément à la diversité des organisations qui les développaient ; je ne peux ainsi que regretter le manque de représentation française des Indignés, du mouvement Occupy, de Réelle Démocratie Maintenant, d’Anonymous, des marches, du manque de personnalités politiques des partis et notamment du NPA, et autres… Ainsi, je pense que nous avons manqué un bon moyen d’exprimer une véritable révolte par un mouvement international, uni contre une mondialisation organisée.
Bien entendu, cette note n’engage que moi, et je ne déplorerais personne de n’avoir pu ou voulu se déplacer. Je suis sûr que d’autres occasions se présenterons et que dans tous les cas nous ne lâcherons rien !

R.Q.

À propos de Réelle Démocratie Calvados

Le monde bouge et nous ? Chaque jour le peuple lutte en occupant les places publiques,que se soit à Madrid, Athènes, Paris, Rennes, Nantes, en Angleterre, aux États Unis d’Amérique, et depuis le mois de juin 2011 dans le calvados (Bayeux, Caen, Lisieux, Vire)… Si vous n’en pouvez plus d’alimenter un système où l’argent règne, où l’économie prime sur les valeurs humaines, un système basé sur la consommation à outrance qui détruit la planète, rejoignez-nous ! Les médias, à la botte de l’état, nous inondent d’un flux de pubs et d’inculture qui nous abrutissent et nous privent de toute volonté d’avancer, d’être, de rêver, d’agir… Ce système creuse à outrance les écarts entre les riches et les pauvres, privatise et engraisse une nouvelle aristocratie qui se pense intouchable. Ces élites nous exploitent, nous maltraitent. Leur cupidité et leur bêtise font (les) lois. Alors rejoignons toujours plus nombreux le mouvement ! Montrons notre indignation nuit et jour en allant occuper la place publique de Caen ou d’autres villes du Calvados. Discutons, échangeons, dansons, chantons, campons, partageons, expérimentons un nouveau mode de vie alternatif tous ensemble !

Publié le 21/05/2012, dans Le mouvement dans le monde, et tagué , , . Bookmarquez ce permalien. Poster un commentaire.

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